Thème: Économie
Publié le 6 octobre 2021
Au-delà de l’état réel des inégalités dans une société, l’idée que s’en fait la population est tout aussi digne d’intérêt puisque, au sein d’une démocratie, ces perceptions peuvent avoir un effet direct sur l’acceptabilité des différences en matière de revenus, d’opportunités ou de qualité de vie entre des groupes, ainsi que sur les actions à mettre en place pour réduire ces écarts. Ainsi, les perceptions des inégalités ont une incidence importante sur le débat public et la manière dont les citoyens et les décideurs conçoivent ces enjeux sociétaux.
Un rapport publié récemment par l’Observatoire fait état des perceptions de la population québécoise à l’égard des inégalités de revenu et des inégalités sociales de santé. Les résultats globaux, montrés ici, donnent une idée de l’importance des inégalités dans les priorités politiques, de la volonté du grand public de poser des actions contre les inégalités mais aussi de payer pour ces actions et, finalement, des perceptions quant à l’évolution historique et future des inégalités de revenu.
D’abord, le grand public semble accorder une grande importance aux inégalités de revenu. Que ce soit de manière générale ou entre certains groupes de la société, les inégalités de revenu doivent être une priorité pour la société québécoise selon de grandes majorités de personnes sondées. Comme le montre la figure ci-dessous, 87 % des répondants pensent que les inégalités de revenu sont prioritaires en général, alors que ce pourcentage varie entre 56 % et 88 % pour les inégalités de revenu entre différents groupes.
Lorsque les répondants comparent les inégalités de revenu au Québec à celles dans le reste du Canada ou encore à celles d’autres pays développés, les réponses sont plutôt mitigées. Entre le Québec et le reste du Canada, environ le tiers pense que les inégalités de revenu sont plus grandes au Québec, un autre tiers pense qu’elles sont plus grandes dans le reste du pays et le dernier tiers dit ne pas savoir. Or, plusieurs mesures montrent que, généralement, le Québec s’en tire mieux que les autres provinces canadiennes en matière d’inégalités de revenu[1]. Pour la comparaison entre le Québec et les autres pays, c’est le quart qui pense que les inégalités sont plus grandes dans la Belle Province, alors que 42 % des répondants estiment qu’elles sont plus grandes ailleurs et 30 % disent ne pas savoir. Dans ce cas, le Québec se compare souvent aux pays où les inégalités sont plus faibles[2].
S’il a été montré plus haut que les inégalités de revenu devraient être une priorité pour la société québécoise, les répondants pensent que ce devrait aussi être le cas des gouvernements : une forte majorité (82 %) pense que les inégalités de revenu méritent l’attention des décideurs. En 2014, cette même question avait récolté un appui de 70 %[3] : il semble donc que la question des inégalités de revenu a gagné en importance.
Les répondants devaient également indiquer leur avis à savoir que les besoins de base seraient couverts au Québec. Les réponses sont très partagées, 46 % affirmant que ces besoins sont assurés à chacun contre 51 % qui sont d’avis que ce n’est pas le cas. En 2013[4], quand la même question a été posée, les résultats étaient très similaires, ce qui laisse entendre que les perceptions à cet égard n’ont pas beaucoup changé.
Les perceptions des inégalités en 4 énoncés
Si les inégalités sont donc perçues comme une question prioritaire, certaines actions pouvant potentiellement les réduire ont également été évaluées par les répondants, ainsi que la volonté de ces derniers à contribuer au financement de ces solutions. Si la plupart des actions ont reçu un appui majoritaire, cet appui s’est réduit considérablement dans l’éventualité où leur réalisation affecterait les finances personnelles des répondants. Ainsi, les modalités du financement des solutions semblent un élément important à considérer lors de l’élaboration des politiques publiques visant à réduire les inégalités.
Finalement, les répondants se sont également exprimés sur l’évolution historique et future des inégalités de revenu. Une majorité d’entre eux estime que les inégalités ont augmenté depuis 1990. Différentes statistiques sur les inégalités de revenu, telles que l’indice Gini et les parts cumulées témoignent également d’une augmentation des inégalités de revenu depuis 1990[5]. Quant au futur, les répondants ne sont pas bien plus positifs : une majorité (57 %) s’attend à une augmentation des inégalités de revenu tandis que moins de 10 % des répondants entrevoient leur diminution.
En 2013, 70 % s’attendaient à une augmentation des inégalités de revenu[6] : les prévisions se sont donc améliorées. De plus, cette différence entre 2013 et 2020 souligne l’importance de poser ce type de questions de manière régulière, afin notamment d’évaluer les tendances et ce qui peut les influencer, comme la couverture médiatique, les débats de société et les travaux publiés par des organisations comme l’Observatoire.
Les québécois pensent que, depuis 1990, les inégalités de revenu…
[1] Par exemple, le coefficient de Gini pour le revenu après impôt ajusté classe le Québec (coefficient de 0,283) deuxième province la plus égalitaire en 2018, après le Nouveau-Brunswick. Source : Statistique Canada (2021). Tableau 11-10-0134-01. [EN LIGNE]. Pour plus d’information, voir Sandy Torres (2021) Évolution des inégalités économiques au Canada et au Québec : tendances et causes. Montréal : Observatoire québécois des inégalités. [EN LIGNE].
[2] Si l’on compare les données de la note précédente aux données de l’OCDE, le Québec se classerait au-dessus des Pays-Bas (0,285) et en-dessous de la Pologne (0,281) pour se trouver à la douzième place, sur les 37 pays membres de l’OCDE. Source : OCDE (2021) « Inégalité de revenu ». [EN LIGNE].
[3] Institut du Nouveau Monde (2014) « Dévoilement du sondage Léger sur les inégalités de revenus » [EN LIGNE].
[4] Simon Langlois et David Gaudreault (2019) Représentations sociales de la pauvreté et de l’exclusion sociale – Annexes. [EN LIGNE].
[5] Sandy Torres (2021) Évolution des inégalités économiques au Canada et au Québec : tendances et causes, Montréal, Observatoire québécois des inégalités. [EN LIGNE].
[6] Simon Langlois et David Gaudreault (2020) Représentations sociales de la pauvreté et de l’exclusion sociale. Rapport et annexes. Déposés au Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC). [EN LIGNE].
