
Classe moyenne québécoise : plus de 6 personnes sur 10 en font partie
Par Elmer van der Vlugt, chercheur, et Marie Lamarre, conseillère à la valorisation de la recherche
La campagne électorale fédérale débute à peine que l’on parle déjà de la classe moyenne à profusion. On la présente comme un tout homogène, une classe économique bénéficiant d’une bonne qualité de vie et faisant face à des défis semblables. Mais qui en fait véritablement partie ?
L’Observatoire québécois des inégalités s’est prêté à l’exercice, et a calculé la taille de la classe moyenne québécoise en suivant la définition qu’en fait l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), à partir de données personnalisées, obtenues de Statistique Canada. L’analyse qui en découle (disponible ici) permet de conclure que 61 % de la population québécoise fait partie de la classe moyenne une fois les impôts et transferts pris en compte. Celle du reste du Canada représente pour sa part 57 % de la population. Cet écart de 4 points de pourcentage s’explique principalement par un niveau plus élevé d’impôts et de transferts au Québec.
En comparaison avec d’autres pays de l’OCDE, le Québec fait plutôt bonne figure. Les États-Unis, connus comme une société moins égalitaire, a une classe moyenne représentant 51 % de la population. Quant à la Suède, sa classe moyenne se situe au-dessus de la moyenne de l’OCDE. La France se démarque aussi de la sorte, avec 68 % de la population dans la classe moyenne, et avec une proportion de moins nantis significativement plus petite. Les résultats, présentés dans la figure ci-dessous, sont issus des données disponibles les plus récentes pour chacun des pays.
Figure 1 : Comparaison internationale de la taille des classes sociales, Québec et pays de l’OCDE, 2016
* Données québécoises et canadiennes calculées par l’auteur à partir des tableaux personnalisés de Statistique Canada. Les données pour le Canada excluant le Québec sont pour l’année 2016 et ont été calculées avec les données canadiennes à partir du ratio entre la population au Québec et au Canada.
Sources : Statistique Canada, Enquête canadienne sur le revenu, tableaux personnalisés, calculs de l’auteur; OCDE (2019), Sous pression : la classe moyenne en perte de vitesse, Paris, Éditions OCDE.
Comment détermine-t-on la classe moyenne d’un pays?
L’OCDE définit la classe moyenne comme les personnes dont le revenu – après impôts et transferts et ajusté en fonction de la taille du ménage auquel elles appartiennent – se situant entre 75 % et 200 % du revenu médian. Ce revenu médian est le montant qui se trouve très exactement au milieu de la distribution des revenus ajustés ; 50 % des personnes reçoivent plus et 50 % des personnes reçoivent moins.
Ce qu’il importe de comprendre avant d’établir les montants qu’une personne doit recevoir pour se retrouver dans la classe moyenne, c’est que la définition de l’OCDE comprend un certain nombre de facteurs et d’ajustements qui ne permettraient pas à un individu de se positionner sur l’échelle de distribution des revenus québécoise au premier coup d’œil. Ces choix méthodologiques et hypothèses influencent par ailleurs fortement les résultats obtenus. Parmi eux – et longuement abordés dans l’analyse de l’Observatoire –, les seuils qui délimitent la classe moyenne, le type de revenu étudié et le fait de procéder à un ajustement de ce revenu en fonction de la taille des ménages.
La classe moyenne en chiffres
Au Québec en 2017, la classe moyenne incluait les personnes dont le revenu – après impôt et transferts, puis ajusté selon la taille du ménage – se situait entre 29 625 $ et 79 000 $. La classe moyenne du Canada sans le Québec quant à elle, incluait en 2016[1] les personnes dont le revenu ajusté se situait entre 33 300 $ et 88 700 $.
Figure 2 : Répartition des revenus au Québec et seuils de la classe moyenne
Source : Statistique Canada, Enquête canadienne sur le revenu, tableaux personnalisés, calculs de l’auteur.
Il est intéressant toutefois de noter que plus la taille d’un ménage augmente, plus son revenu sera ajusté vers le bas. Ainsi, pour que des personnes appartenant à un ménage de deux ou quatre personnes fassent partie de la classe moyenne, il faudrait que le revenu après impôts et sans ajustement de ce ménage se trouve à l'intérieur des seuils présentés ci-dessous.
Tableau 1 : Seuils de la classe moyenne au Québec selon la taille du ménage, 2017
Taille du ménage |
Seuil inférieur (75 %) |
Seuil supérieur (200 %) |
2 personnes |
41 900 $ |
111 700 $ |
4 personnes |
59 300 $ |
158 000 $ |
À quoi ces données servent-elles ?
La répartition du revenu entre les classes sociales est une donnée souvent utilisée pour mesurer les inégalités. La taille et les spécificités de la classe moyenne sont, à cet égard, des informations qui servent à mieux déterminer les écarts entre les moins nantis, la classe moyenne, et les mieux nantis. La comparaison avec d’autres sociétés permet par ailleurs de comprendre les différences économiques et les effets des politiques publiques propres à chacune.
Ce type de comparaison peut être intéressant, d’autant plus qu’en soumettant la définition de la classe moyenne à des variations par rapport à celle qu’en fait l’OCDE, certaines particularités émergent. C’est ce type de variation qui a permis à l’Observatoire de conclure dans son analyse qu’une bonne partie des membres de la classe moyenne québécoise s’y trouvent suite aux interventions gouvernementales.
Il pourrait par ailleurs être tentant de vouloir évaluer l’évolution de la classe moyenne québécoise et canadienne dans la perspective de la campagne électorale fédérale actuelle. Il faudrait toutefois s’en prémunir, puisque les données disponibles ne couvrent que les deux premières années du gouvernement Trudeau, soit de 2015 à 2017, alors que l’effet des politiques qu’il a adopté prendra parfois plusieurs années avant de se faire ressentir pleinement.
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
À propos de l'autrice et de l'auteur de ce billet
Marie Lamarre
Marie détient un baccalauréat en littérature et cinéma de l’Université de Montréal. Elle a participé en 2013 à la fondation des Productions Somme toute, un groupe d’édition montréalais spécialisé dans la publication d’essais sociopolitiques et d’ouvrages sur l’histoire culturelle québécoise. À titre d’éditrice, elle y a réalisé plus d'une vingtaine de projets, en plus d'assurer la direction de la maison Tête première, pour les œuvres de fiction littéraire. Elle œuvre toujours comme consultante indépendante en édition.
Elmer van der Vlugt
Elmer détient une maîtrise en politiques publiques de l’Université du Michigan (États-Unis) ainsi qu’un baccalauréat en sciences politiques (Université de Leyde, Pays-Bas) et une mineure en économie (Université Libre d’Amsterdam, Pays-Bas).
Avant de rejoindre l’équipe de l’Observatoire, Elmer a travaillé pour divers organismes privés et publics, se spécialisant en analyse politique et en recherche économique.
[1] Les données de 2016 ont dû être utilisées pour comparer les données québécoises et canadiennes.